dimanche, mai 01, 2016

DOUANIER ROUSSEAU L'ELECTRON LIBRE

HENRI ROUSSEAU est né à Laval en 1844.
Pendant plus de vingt ans de 1872 à 1893, il fut employé de l'Octroi de Paris 
(l'octroi était une taxe perçue à l'entrée d'une ville sur certaines denrées. Elle fut supprimé en 1948), 
ce qui lui a valut son surnom de DOUANIER ROUSSEAU, avant de se consacrer entièrement à la peinture.
Ses débuts mal documentés contribuent à alimenter le mythe d'un peintre spontané.
«J'avais 42 ans quand j'ai touché un pinceau pour la première fois» confessa t-il.
Très vite, il fut la cible de moqueries des autres peintres de l'époque.Boudé des acheteurs et des critiques, le temps a rendu justice à son art singulier (il est exposé à présent dans les plus grands musées).


Le Douanier Rousseau est-il naïf ou moderne?
ART RAIE se penche sur 5 œuvres pour essayer de comprendre cet artiste.
 


Surpris! (1891) 130*162


Un tigre, ses yeux fixes comme hallucinés, la gueule déformée par un rictus de terreur, semble posé en équilibre sur la végétation!
Sa queue démesurée tel un serpent est projetée entre les herbes hautes traduit l'impression de vitesse de sa course.
La végétation couchée par le vent est d'une grande richesse de couleurs.La richesse de la palette de Rousseau pour décrire cette jungle imaginaire est admirable.Tout est calculé pour obtenir un effet décoratif somptueux.
Les éclairs fendent le ciel et les rideaux de pluie zébrant régulièrement toute la surface de la toile traduisent la violence de l'orage.
Le peintre n'a pas inventé une telle scène : il utilisait des chromolithographies et des photos d'illustrations tirées de journaux populaires.Il ne quitta jamais Paris.Sa jungle à lui était celle du Jardin des Plantes.

Son Tigre surpris par l'orage fait l'effet d'un coup de tonnerre au salon des Indépendants de 1891.
Il est la risée de tous. 
A l'inverse des rieurs, Félix Valotton est saisi par la force de la toile:
« Son tigre est à voir; c'est l'alpha et l'oméga de la peinture, et, si déconcertant que les convictions les plus encrées s'arrêtent et hésitent devant tant de suffisance et tant d’enfantine naïveté »



La Guerre (1894) 114*195
 
Exposé au Salon des Indépendants de 1894, ce tableau clame l'absurdité des conflits, de la cruauté des hommes de pouvoir, de l'insatiabilité et de la lâcheté.
Il s'agit d'une allégorie. D'une idée figurée par des images symboliques.
Le mal triomphant est représenté sous la forme d'une harpie semant la mort et la désolation sur terre par un glaive et par le feu.Sa chevelure hérissée, comme la crinière de sa monture, exprime la sauvagerie à l'état pur.
Le personnage et le cheval courent probablement du même galop volant, battant l'air de leur jambes.
Ils survolent un paysage ravagé, ou gisent des blessés et des cadavres nus à l'exception d'un homme au premier plan, qui regarde le spectateur.
De funestes corbeaux se repaissent déjà de lambeaux de chairs.

La guerre ce mal qui consume notre part d'humanité...un sujet hélas toujours d'actualité...



La Bohémienne Endormie (1897) 130*201

Le clair de lune diffuse une douce lumière qui se reflète dans la crinière du lion et sur la robe de la Bohémienne.
Le lion semble veiller ou flairer la femme endormie tout en étant situé sur un plan plus éloigné.
Cette rencontre entre un lion et une femme dans un désert aride est une énigme à déchiffrer.
S'agit-il d'un rêve?
A chacun de s'inventer le dénouement de cette scène...!



La Charmeuse de Serpents (1907) 169*189

La charmeuse de serpents exerce son charme magnétique sur las animaux en jouant de la flûte.
Les serpents rampant au sol, entre les branches es arbres et sur ses épaules même, semblent danser au son de l'instrument, sous le regard d'une chouette et d'un oiseau spatule.
Le sujet incarne un être immémorial vivant en harmonie avec la nature.
L'épaisse jungle, ou se déroule la scène, représente le monde vierge de l'enfance de l'humanité.

Rousseau comme Gauguin avant lui, exprime dans cette peinture la nostalgie d'une terre, encore préservée, riche de sensations oubliées.
Son exceptionnelle construction asymétrique rend compte de sa maîtrise dans l'art de la composition.
Les surfaces denses des feuillages et des plantes, alternant avec des zones plus simples,
créent un effet de profondeur inhabituel chez le peintre.



Portrait de Monsieur X (1910) 61*50


Les surprenants Portraits de Rousseau illustrent d'une manière exemplaire comment il rendait l'ordinaire «extraordinaire».

Le visage est décomposé, coupé en deux par une ligne diagonale et on a du mal à voir s'il est représenté de face ou de trois quarts.
Es ce un pas vers ce qu'on appellera plus tard le cubisme?
La main est reliée à un bras rendu invisible par la veste sombre, comme si elle était détachée du corps.
A l'époque ce portrait a semblé si bizarre qu'il a échoué chez un brocanteur!

D'une manière générale, les portraits du Douanier sont pour le moins curieux.
Les détails ne sont pas logiques, la taille des modèles est déconcertante (le corps des sujets occupe presque toute la hauteur des tableaux).
Si faire des portraits était un moyen de gagner de l'argent, il arrivait souvent que ses modèles ne se reconnaissaient pas dans le résultat final! Au point de détruire le tableau!



Rousseau s'accordait une grande liberté de sa peinture. Refusant les principes admis par tous, les sujets convenus et les pensées communes.
Si sa technique du trait était maladroite et les proportions de ses sujets quelquefois déroutantes, il était cependant un grand coloriste.
Le Douanier fut un artiste incompris car inclassable.
Sa force est d'avoir créer un monde unique: son monde.

Un univers personnel, magique, où hommes et animaux se confondent. Un espace où la nature sauvage renvoie à la complexité de l'âme humaine.